transcript VPrince 3 5

[00:00:01] Dans de précédents épisodes, nous avons parlé de la filiation de l'informatique et de la rétroaction vers les disciplines mères. Maintenant, on va se poser la question du troisième volet de ce qui pourrait faire son statut de science, c'est-à-dire la fécondation croisée entre l'informatique et les autres sciences. Alors, pour pouvoir faire cela, je vous propose tout d'abord de définir ce que signifie la fécondation croisée ou de travailler sur un petit inventaire qui est forcément incomplet des champs disciplinaires et ensuite de s'intéresser aux techniques et le regard que l'on a sur la notion de service qu'apporte l'informatique aux autres disciplines. Pour définir la notion de fécondation croisée, il faudrait l'opposer à la notion de simple importation lorsque l'on est importateur où l’on ne modifie pas ce que l'on importe et où on ne se l'approprie pas forcément complètement. Et de ce fait là, surtout lorsqu'on est dans une situation d'importation, on ne parle pas de son exportation de notions vers d'autres disciplines. On ne va parler de fécondation croisée que lorsque, effectivement, non seulement il y a une importation possible, mais il y a aussi une appropriation, c'est à dire une modification des notions et des pratiques qui viennent d'autres endroits et également le fait de donner aux autres disciplines des modèles qui sont issus d'une discipline donnée, de la discipline elle-même, et qu'elle va s'intéresser à fournir aux autres. Donc, c'est-à-dire lorsqu'il y a un véritable échange et pas simplement une situation hiérarchique, de domination d’une discipline vers d'autres.

[00:02:08] Alors pour cela, vous avez deux niveaux. Vous avez toujours le plan des modèles qui relèveraient de la nature scientifique de l'informatique et le plan des techniques qui relèveraient de la nature technologique de l'informatique. Nature technologique, comme je vous l'ai dit, que je n'oublie pas puisque l'informatique est un hybride et qu'elle a une composante scientifique certaine, mais également une nature technologique incarnée, réalisée, industrialisée et industrielle. Alors, que signifie la notion de modèle partagé? On va dire qu'un modèle est partagé à partir du moment où réellement il fait écho dans deux disciplines au moins ou dans deux ou trois ou quelques disciplines au moins, et de ce fait là, il va créer des sous domaines de recherche dans chacune des disciplines. Et comme nous nous intéressons plus particulièrement à l'informatique, est ce que ce partage va créer un sous domaine de recherche en informatique? Et est ce qu'il va modifier les champs paradigmatiques des autres disciplines? Alors, l'inventaire que je vais vous proposer ou vous allez vous apercevoir qu'il existe de nombreux modèles partagés va concerner aussi bien les sciences de l'homme et de la société que les sciences du langage, la philosophie, l'architecture, l'art, la biologie, la physique, l'économie. Sachant que je vous ai déjà parlé des disciplines mères que sont les mathématiques et l'électronique avec lesquelles l'informatique entretient des relations privilégiées. Donc, dans cet inventaire plus particulièrement, il existe des sous domaines de l'informatique qui sont inspirés et qui inspirent d'autres sciences de l'homme et de la société, qui sont par exemple la psychologie cognitive.

[00:04:12] En ce qui concerne l'intelligence artificielle, toutes les représentations de la mémoire, de l'esprit, du fonctionnement des unités de calcul, des processeurs ainsi de suite une terminologie commune à ces deux disciplines. Les sciences de gestion vont être impactées par les systèmes d'information. L'ergonomie et les sciences du travail sont celles où l'interaction homme machine va être discutée également et vont avoir un impact dans un autre sens sur les modèles même d'interactions homme machine qui vont être privilégiés. La notion d'interface conviviale ou user friendly est quelque chose de particulièrement intéressant à étudier dans les sciences ergonomiques. Également en sociologie et psychologie sociale, on s'aperçoit que les systèmes multi agents, qui sont un sous domaine de l'informatique et de l'intelligence artificielle en particulier, qui a été particulièrement prospère, se sont inspirés de ces domaines là et lui ont fourni en contrepartie des éléments intéressants pour pouvoir être appropriés par la psychologie sociale en particulier. La relation entre l'informatique et les sciences du langage est une relation très ancienne, il y a véritablement une sorte de fraternité puisque l'informatique a une dimension langagière extrêmement importante. Il s'agit de langages de programmation et de ce fait-la, elle partage avec la linguistique formelle une parenté très grande. L'intérêt, au-delà des langages de programmation, d'aller vers des langues plus naturelles s'est matérialisé très, très vite en informatique autour du traitement automatique des langues.

[00:06:03] Mais également d'un autre côté, ou quelque chose qui existe beaucoup, qui a beaucoup existé dans l'histoire de l'humanité, c'est celui des codes. La science du code et du codage, la cryptographie que l'on va retrouver aujourd'hui comme étant un élément au cœur de la sécurité des ordinateurs. Et inversement, les ordinateurs sont utilisés pour réaliser des codes, voire défaire des codes, puisqu'une des histoires les plus connues de l'informatique concerne la machine Enigma et Alan Turing, qui s'était intéressé à décoder des messages En philosophie : on pourrait se demander quelle est la relation entre la philosophie et l'informatique. Détrompez vous, il existe des conférences internationales sur la notion de Computational Philosophy, et qui veut dire qu'il existe toute une partie de la philosophie, en particulier la philosophie de l'esprit et la philosophie du langage, qui ont été particulièrement sollicitées. Présente en IA, en dialogue homme machine en L.N (langage naturel), mais inversement, qui ont hérité aussi des possibilités et des modèles de l'intelligence artificielle, du dialogue homme machine vu du côté des informaticiens et des logiciens et du TALN, également réalisé par les informaticiens. L'architecture aujourd'hui, on s'en rend bien compte, on ne peut plus se passer des.éléments et des logiciels qui permettent de simuler des constructions et il se trouve que l'architecture et l'informatique ou en tant que fille hybride de plusieurs disciplines elle aussi l'architecture est est un système d'hybridation entre l'art, entre des technologies de la construction et ainsi de suite.

[00:08:10] Et là dessus, on s'aperçoit que la notion de projet, de conduite, de projet, de génie, d'architecture des machines ainsi de suite, toute cette terminologie que nous avons en commun avec l'architecture n'est pas quelque chose d'anodin, n'est pas le fait du hasard non plus. Cela relève du fait que ce sont des disciplines qui produisent des éléments matériels et qui ont un impact dans leur environnement. Et il se trouve que l'une comme l'autre participent à l'évolution mutuelle et donc à la fécondation croisée. Pour les neurosciences, il est très, très clair que des domaines tels que l'IA, la fouille de données, la vision artificielle et de toute manière pleins de sous domaines de l'intelligence artificielle sont en relation fondamentale avec les neurosciences. On parle aujourd'hui de réseaux de neurones formels, en fait. Que fait-on d'autre que de tenter de modéliser, via des graphes extrêmement connexes, des structures naturelles qui sont étudiées par les neurosciences et inversement? Les neurosciences sont intéressées par les simulations qui sont faites dans les modèles de perception et de cognition qui sont proposées en vision artificielle, par exemple. En ce qui concerne la biologie, il faut savoir que la bio informatique aujourd'hui ce domaine est extrêmement présent et dans lequel, véritablement, tout ce qui concerne l'algorithmique, l'informatique théorique, la vie artificielle, l'intelligence artificielle distribuée ont été extrêmement présentes en tant qu'éléments constitutifs aussi en bio informatique, mais inversement, ont récupéré de la biologie, le matériau sur lequel, en quelque sorte, faire des travaux de modélisation qui sont venus alimenter les ordinateurs avec de nouvelles problématiques et donc une évolution des concepts de l'informatique.

[00:10:29] De ce fait là, parce qu'il se trouve que plus on reçoit un problème difficile à résoudre et plus on est obligé d'être inventif et de ce fait là aussi, les sciences avec lesquelles nous entretenons des relations et qui nous proposent des problèmes qui ne sont pas résolus, en quelque sorte, nous font évoluer, nous font grandir, empêche la stase et donc la régression. L'économie et les mathématiques appliquées à l'économie ont trouvé leur terrain d'entente commun avec l'intelligence artificielle au travers de la théorie des jeux qui est assez connue. Et enfin, la physique, computationnelle elle aussi et ou dite également physique numérique, s'est retrouvée en interaction profonde avec l'informatique. Donc, nous avons parlé des modèles partagés, maintenant, parlons des techniques, c'est à dire jusqu'à quel point l'informatique à données a été utilisée par les sciences en question. Sur le plan de la technique ou de la technologie, en tant qu'outil, en tant que service. Là, dans le cas présent, toutes les sciences sont pratiquement concernées. Pourquoi? Parce qu'elles vont utiliser l'informatique comme mode de calcul sur leurs données, comme système de résolution de problèmes à grande échelle, parce que les êtres humains eux-mêmes ne peuvent pas les résoudre directement sans l'aide des ordinateurs. A partir du moment où il y a de grandes masses de données et des volumes importants.

[00:12:06] Et enfin, l'idée de l'environnement de simulation qui est sans danger et du remplacement de la réalité par la virtualité pour pouvoir éviter les d'éventuels aspects nocifs ou néfastes des des expérimentations in vivo, il se trouve que, de ce fait là, l'informatique devient une sorte de discipline de service. Et ne l'avoir que comme une discipline de service a été pendant très, très longtemps le fardeau principal, que portaient les informaticiens sur le dos, où ils n'ont été vus que comme les ingénieurs qui résolvent les problèmes des autres, qui étaient là pour fournir des outils, des producteurs de calcul et rien de plus que cela. J'aimerais quand même rappeler à toutes les disciplines que la plus grande discipline de service n'est jamais que les mathématiques , la discipline que l'on peut considérer la plus théorique possible. Pourquoi? Mais parce que tout le monde utilise les modèles mathématiques. Il n'existe pas une seule discipline qui ne les utilise pas et qu’ils peuvent être vus également comme des outils. Tout le monde utilise les modes de résolution qui sont mathématiques et donc de ce fait là, là encore, la notion de service ne veut pas dire une situation d'inféodation. Au contraire, cela signifie une situation d'universalité et c'est en ce sens là qu'il faudrait voir l'informatique comme quelque chose de très, très proche de ce que proposent les mathématiques et donc de récupérer les lettres de noblesse auxquelles elle a droit de son plein fait.