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Transcription vidéo ⅕ : Définition de l'épistémologie (V. Prince)

Bonjour, je m'appelle Violaine Prince, je suis professeur en informatique à l'Université de Montpellier et aujourd'hui, je vais vous parler d'épistémologie et plus particulièrement d'épistémologie de l'informatique puisque c'est ce qui me concerne. On commencera par une définition de l'épistémologie et pour cela, il existe quatre items que je voudrais partager avec vous. - Le premier l'origine étymologique de l'épistémologie - En 2 la relation entre la notion de connaissance et la notion de cognition. En explicitant également les deux. - Puis on travaillera ce sur quoi porte l'épistémologie des sciences, puisqu'il s'agit du domaine général à l'intérieur duquel nous allons évoluer. - Et enfin, on se focalisera sur les questions qui concernent l'informatique, plus spécifiquement à l'intérieur de ce cadre de pensée.

  1. Définition étymologique de l'épistémologie

Définition étymologique de l'épistémologie, c'est à dire la définition d'origine. Ce terme vient de deux mots grecs. Le premier épistémê qui veut dire connaissance, et le second logos que vous voyez un peu partout, qui veut dire discours (au départ). Alors, le discours est devenu ensuite l'étude, et de l'étude on est passé à la science, donc tous les mots qui se terminent par logie sont des sciences de la chose qui la précède ou un discours ou une étude. Donc, à vous de choisir ce que vous préférez, mais dans notre cas, nous nous intéresserons plus particulièrement à l'aspect science du, de la logique et enfin du logos qui se trouvent ici. Alors donc, on peut se poser la question est ce que c'est une science de la connaissance? De ce fait là, la connaissance en tant qu'élément abstrait, parce que c'est quelque chose qui n'a pas de matérialité, cela pourrait relever de ce qu'on appelle la philosophie de l'esprit.

[00:02:18] La philosophie de l'esprit est une discipline qui s'intéresse à tout ce que l'esprit humain peut produire. Néanmoins, en ce qui nous intéresse, nous, dans l'état actuel des choses, on va plutôt se situer dans des connaissances qui relèvent de quelque chose. On va appeler ça des connaissances situées et plus spécifiquement les connaissances qui sont attribuées aux disciplines. Étudier à l'université ou dans d'autres domaines académiques de manière générale, que ce soient les sciences, les humanités, les arts ou autres. Pour ce qui nous intéresse, on s'intéresse, on se focalisera davantage sur les disciplines scientifiques puisque l'informatique, je dirais, fait plutôt partie de cet aéropage. Il faut savoir que des domaines très, très ancrés, très connus en sciences, comme les mathématiques et la physique, ont une épistémologie qui est très ancienne et cela existe. Vous avez énormément d'écrits dans ces domaines là et vous avez des centres de recherche qui, en France et dans les autres pays, s'intéressent à l'épistémologie des mathématiques et de la physique. Alors, on va pouvoir se poser la question de la différence entre connaissance et cognition. En ce qui me concerne, je vois la cognition plutôt comme le processus qui permet d'acquérir, de stocker, de modifier et de restituer des connaissances.

[00:03:56] Donc, en ce sens, l'informatique qui fait cela pour l'information et l'information est en elle même la forme matérialisée ou semi matérialisée, en tout cas symbolique de la connaissance. Du coup, l'informatique devient elle aussi une science cognitive. Alors, il faut savoir que les sciences cognitives, jusqu'à maintenant, ont été essentiellement vues comme des sciences de l'esprit humain. Là encore une fois, c'est à dire qui s'intéresse au processus d'acquisition, de stockage et de modification et de restitution des connaissances chez les êtres humains. Et dans ce cadre là, ce serait plutôt de la psychologie cognitive. Mais cela touche également les neurosciences. Vous avez d'autres sciences cognitives, toutes celles qui sont des recueils d'informations et donc de connaissances, comme les sciences de la documentation, les sciences du langage et de sciences que nous connaissons, c'est à dire l'informatique et également les mathématiques, puisque les mathématiques ont pour objectif de modéliser la connaissance formelle. Donc, de ce fait là, la connaissance devient le matériau de la cognition. C'est celui sur lequel elle travaille. Donc, il s'agit de deux types de connaissances. Nous avons les connaissances académiques et encyclopédiques d'un côté, qui vont nous intéresser le plus pour les disciplines scientifiques et les disciplines également artistiques et et de l'ordre des humanités. Mais il existe des connaissances aussi qui sont pratiques, qui relèvent de l'expertise. Et ce sont des domaines qui ont beaucoup intéressé l'informatique à une certaine époque, puisque l'informatique a voulu mémoriser l'expertise d'un certain nombre d'individus au sein de ce qu'on pourrait appeler les mémoires d'entreprise, les systèmes experts et ainsi de suite.

[00:06:01] Donc, lorsque l'on va parler d'épistémologie, lorsqu'on va parler des connaissances. De quoi parle t on plus exactement? Ici, on va se focaliser encore une fois sur les connaissances constitutives d'une science, pas uniquement celles avec lesquelles elle travaille. Donc. Ayant un peu défini ce qu'était l'épistémologie sur le plan étymologique, ce que les rapports qu'entretenait la connaissance avec le processus qui permet de la manipuler, c'est à dire la cognition, on va se poser la question de ce sur quoi porte l'épistémologie. Alors, lorsque l'on va travailler comme on essaye de le faire ici sur un un domaine disciplinaire donné, on va s'intéresser plus particulièrement aux concepts qui sont fondateurs les concepts majeurs, les paradigmes à l'intérieur desquels va fonctionner cette science. Également. Ce concept, une fois qu'on les a définis, créer, décrit. Ce n'est pas tout, ce qui est bien plus important, c'est de voir ce qu'on appelle l'évolution, c'est à dire ce que devient ce corpus fondateur dans la diachronique, la modification au cours du temps des découvertes. Ça, c'est pour les sciences de la observable. Les avancées technologiques pour les sciences de l'artefact et également les avancées conceptuelles. On s'en rendra compte avec les notions de changement, de paradigme.

[00:07:48] Enfin, il est clair que. Étudier des concepts et leur évolution n'est pas suffisant puisque ces concepts appartenant à un domaine disciplinaire donné sont en interaction avec l'esprit humain, puisque c'est ce dernier qui est à l'origine de la fondation de ce corpus. Donc, on va s'intéresser aussi énormément à la relation qui va exister entre connaissance et cognition, qui est la relation dont nous avons déjà discuté préalablement dans une des diapositives précédentes. Et enfin, le dernier domaine, c'est celui de la relation avec les autres sciences. Il faut savoir qu'il n'existe pas de rupture épistémologique entre les disciplines. Cette phrase n'est pas de moi, elle est de Canguilhem et il disait cette chose là pour signifier que même si au jour d'aujourd'hui, notre corpus scientifique a suffisamment augmenté pour que les uns et les autres, nous ne puissions pas être capables de retenir tout ce qui existe en ce qui concerne les différentes connaissances constitutives des disciplines et leurs avancées, ce n'est pas parce que notre esprit aujourd'hui est obligé de se spécialiser et de s'adonner à un domaine scientifique plutôt qu'à un autre qu'il existe de vraies barrières et de vraies ruptures sur le plan de la connaissance entre les disciplines. Est ce que je voudrais vous montrer aussi? Aujourd'hui, c'est plus particulièrement la relation que va entretenir l'informatique avec ces disciplines connexes, c'est à dire ses plus proches voisins.

[00:09:34] Et on sait que votre voisin est aussi voisin d'un autre voisin et ainsi de suite et qu'il existe un maillage concernant la connaissance dans tout l'univers des connaissances humaines. Enfin, et voici un dernier point sur lequel l'épistémologie pourrait porter et c'est là où elle se trouve, à la frontière avec ce qu'on pourrait appeler une dimension sociale ou sociétale des sciences, c'est la relation de la d'une discipline ou d'une science avec les sociétés puisque au delà de l'esprit humain, vu comme un interlocuteur abstrait, il existe des groupes humains qui fonctionnent, qui ont leurs lois. Et là, on va se retrouver à étudier les lumières, les limites des usages. Au delà de ça, la focalisation pure sur les usages relève plus des sciences de l'information et de la communication. Pour ce qui concerne l'informatique, mais il faut savoir que l'épistémologie est en frontière avec ces domaines là. Alors. Le dernier point parmi toutes les questions socratique que l'on se pose lorsqu'on veut définir quelque chose, c'est pourquoi faire une épistémologie de l'informatique. On a dit ce sur quoi ça portait. Comment ça se présentait? Qui était quels étaient les acteurs principaux? Et maintenant, on se dit. Y a t il une raison pour s'intéresser à l'épistémologie de l'informatique? La première que je voudrais évoquer ici, c'est celle de l'idée d'un désarroi ontologique. Comme vous le savez peut être, le mot ontologique. Lui aussi, étymologiquement, vient de onto, ce qui veut dire lettre et logique, là encore, qui est un discours.

[00:11:47] Donc, il s'agit du discours sur les propriétés de l'être lorsqu'en philosophie on parle d'ontologie. En fait, on parle des propriétés intrinsèques de quelque chose. Ce même terme a été utilisé par l'informatique pour décrire des arbres et des réseaux de connaissances dans ce qu'on appelle classiquement aujourd'hui les ontologie de l'intelligence artificielle ou les ontologie du Web. C'est une manière un peu dérivée de réutiliser ces histoires de propriété de l'être, mais il faut savoir que l'informatique ne sait pas qui elle est. Le problème est là, c'est à dire qu'elle ne connaît pas sa propre ontologie. Les propriétés de son être, et c'est ce que j'appelle le désarroi. Elle se pose la question qui est elle? Est ce qu'elle est une science? Est ce qu'elle est une sous discipline? Est ce qu'elle est une technologie? Donc, toutes ces questions là sont présentes aussi bien dans la société que dans l'esprit des gens qui utilisent l'informatique, qui apprennent l'informatique, qui enseignent l'informatique. Et ça, c'est très important pour de futurs enseignants en informatique en particulier parce que s'ils ne savent pas. Si eux aussi portent le désarroi ontologique et le transportent avec eux, et bien leurs élèves en seront les dépositaires, malheureusement. Donc, il est important de pouvoir savoir qui on est. Connais toi toi même ça, c'est une phrase qui ne vient pas de moi là encore, mais vous saurez à qui l'attribuer.

[00:13:30] Alors plus particulièrement. On va concentrer. Nos questions sur deux points. Qu'est ce qui fait la singularité de l'informatique, c'est à dire qu'est ce qui lui permet de se distinguer des autres sciences dont elle peut être issue? Sur un plan historique et également, quelle est sa légitimité, c'est à dire a t elle le droit, elle aussi, de jouer dans la cour des grands? C'est une chose importante, donc ce sont tous ces points là qui font que nous pouvons lever. La problématique du désarroi ontologique, ce sont tous les points que nous allons tenter d'aborder afin de pouvoir donner des éléments au futur enseignant en informatique pour discuter avec leurs élèves et les convaincre. Plus encore, justement, cela m'amène à la question suivante. Quelle image ont les informaticiens d'eux mêmes dans le miroir? Dans le miroir de quoi? Des autres sciences de la société. Et c'est là où on se pose la question est ce que le regard des autres nous définit aussi? Même si aujourd'hui, on se pose en termes de convictions autour de notre singularité, de la légitimité de cette discipline en tant que discipline scientifique, quelle est l'image que nous voudrions avoir? Dans le regard des autres, quelle est l'image que nous devrions forcer d'une certaine façon, par notre comportement et par notre vision des choses et par nos enseignements, évidemment.