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Travail en groupe

Décidément le temps manque : comment voulez-vous enseigner l'utilisation efficace d'un logiciel de présentation en seulement dix cours ? Quelles sont les fonctions à aborder en détail ? Le concept de modèle de diapositive ou les animations définies par l'utilisateur ? Quelques stagiaires s'intéressent plus particulièrement à l'intégration de fichiers audio dans différents formats tandis que deux autres ne possèdent quasiment aucune connaissance préalable et n'utilisent ni traitement de texte ni logiciel de présentation dans leur travail quotidien. En résumé : un logiciel de présentation possède une multitude de fonctions ,le spectre des connaissances préalables des stagiaires est donc large.


Problème : la plupart des produits contiennent une foule de détails qui ne peuvent être traités que partiellement dans un cours. Le niveau de connaissance préalable des étudiants sur le produit est très disparate ;il est par conséquent difficile d'intégrer ce facteur dans l'organisation de la formation.

Dans de nombreux thèmes abordés lors de l'enseignement de l'informatique, il convient de communiquer à la fois des principes conceptionnels et des compétences spécifiques au produit, afin que les étudiants puissent ensuite utiliser un outil avec compétence et efficacité. Pour des raisons de temps, il est impossible de traiter toutes les fonctions d'un logiciel dans un cours et il y a peu d'intérêt à communiquer à l'avance des connaissances spécifiques à un produit. De nombreux stagiaires n'auront jamais besoin d'une partie de ces fonctions, ou alors -être seulement à un moment où ils en auront oublié l'essentiel. Il est alors fort probable qu'ils utilisent le produit concerné dans une version plus récente où les fonctions s'utilisent différemment. Il convient par conséquent d'appliquer les règles empiriques ci-après pour les formations relatives à des outils concrets :

  • après la formation, les stagiaires doivent se sentir suffisamment en confiance pour pouvoir, le cas échéant, acquérir les connaissances nécessaires en utilisant des sources d'information appropriées. Etant donnée la courte durée de vie des produits, il est particulièrement important de promouvoir l'aptitude à l'apprentissage continu.

  • une formation sur les produits doit également aborder les concepts fondamentaux, seul moyen de pouvoir transférer les connaissances acquises à des outils similaires.

  • si l'on veut exploiter les possibilités d'un outil, un aperçu de ses fonctionnalités est indispensable. Cet aperçu peut se limiter aux fonctions caractéristiques.

En renonçant à vouloir traiter l'intégralité d'un logiciel dans un cours, il devient possible de mieux prendre en considération les différentes connaissances préalables des étudiants. Les plus avancés traiteront des tâches difficiles et des exercices plus simples permettront aux débutants de réussir eux aussi leurs manipulations.

La méthode pédagogique du travail en groupe permet de personnaliser l'enseignement et de promouvoir les compétences méthodologiques de l'apprentissage autonome. David Johnson et Roger Johnson soulignent cinq caractéristiques de la pédagogie de groupe qui sont également importantes pour l'enseignement de l'informatique [JJ75] :

  1. Le travail en groupe encourage la cohésion entre les étudiants. Soit on coule ensemble, soit on nage ensemble. Il est très utile d'apprendre à « nager » ensemble : un individu échoue et capitule plus rapidement qu'un groupe.

  2. La collaboration au sein d'un groupe a un effet motivant et accélère ainsi le processus d'apprentissage.

  3. Dans un groupe, chaque membre doit assumer sa part de responsabilité et contribuer à la réalisation des objectifs.

  4. Le travail en groupe favorise les compétences sociales telles que la communication au sein d'une équipe, la confiance, la prise de décision dans un groupe de projet et la gestion des conflits.

  5. Le travail en groupe encourage la réflexion sur les processus de la dynamique de groupe et contribue ainsi à une efficacité accrue dans la réalisation de projets informatiques.

Une bonne pédagogie de groupe va bien au-delà de la simple invitation par l'enseignant à traiter un sujet dans des groupes. En l'absence de mesures appropriées, c'est souvent le membre le plus fort du groupe qui en prend la direction et accomplit lui-même le travail ; il n'est donc pas rare qu'un travail en groupe engendre des tensions sociales. La réussite de l'enseignement varie elle aussi : les membres actifs du groupe en bénéficient le plus. Une bonne pédagogie de groupe doit donc veiller à ce que tous les étudiants apportent leur contribution.

Il existe de nombreuses formes de pédagogie de groupe. Elles se distinguent par la taille des groupes et l'activité au sein du groupe. Les deux formes suivantes conviennent tout particulièrement à l'informatique :

Méthode du puzzle
Des groupes de 3 à 6 élèves sont constitués et chaque groupe reçoit une tâche à accomplir ainsi que le matériel nécessaire, puis il doit se familiariser avec la tâche pendant la séance des experts. Les élèves élaborent eux-mêmes une partie de la substance. Les groupes sont ensuite réorganisés et les experts transmettent leur savoir aux autres pendant la séance éducative (Fig. 14.1).

Séance des experts Séance éducative

Fig. 14.1. Division en une séance des experts et une séance éducative

Fig. 14.1. Division en une séance des experts et une séance éducative

Grâce à la méthode du puzzle, les étudiants traitent de manière autonome un sujet maîtrisable et en deviennent des experts. C'est justement cette aptitude qui sera exigée plus tard, lorsqu'ils devront manipuler des ordinateurs. De plus, la transmission à d'autres des connaissances acquises renforce l'estime de soi. Un autre aspect à ne pas négliger est que les étudiants expliquent les faits dans leur propre jargon, plus accessible aux autres étudiants que les explications parfois abstraites de l'enseignant.

Le plus important dans l'application de la méthode dite du puzzle est que tous les élèves aient le sentiment d'avoir réussi. Il est donc recommandé de confier les sujets les plus simples aux élèves les moins doués, notamment des sujets pouvant être divisés en plusieurs parties de taille à peu près égale.

Un inconvénient de la méthode du puzzle est que tout le monde ne traite pas l'ensemble de la substance aussi bien. Les experts d'un sujet comprendront mieux celui-ci et le traiteront d'autant plus efficacement. Peut-être que l'une ou l'autre erreur se glissera dans la séance éducative. Par conséquent, la méthode du puzzle convient pour des thèmes incluant une multitude d'aspects individuels qui ne doivent pas être traités dans leur intégralité. La méthode du puzzle est moins recommandée en guise d'introduction aux concepts fondamentaux d'un thème.

Travail en partenariat
Le travail en partenariat est la plus petite forme de travail en groupe : chaque groupe ne compte ici que deux personnes. Les travaux durent rarement plus d'une heure, la durée typique d'un travail en partenariat étant de 10 à 20 minutes.

Dans un travail en partenariat, les groupes se voient confier de petites tâches bien précises. Celles-ci ne doivent pas être trop difficiles et se limitent généralement à l'explication mutuelle ou à une discussion factuelle.

Les travaux en partenariat sont adaptés aux problèmes où interviennent deux rôles. Dans un algorithme de tri, l'un des partenaires peut ainsi fournir des instructions en fonction d'un programme préétabli, alors que l'autre exécute l'algorithme, par exemple au moyen de cartes à jouer. Là où les choses deviennent intéressantes, c'est lorsque les deux partenaires sont assis dos à dos : ils ont des opinions différentes et peuvent discuter de ce que pourrait être l'idée centrale de l'algorithme. Les différences d'opinion interviennent dans de nombreux thèmes de l'informatique. Les travaux en partenariat tels qu'ils sont indiqués contribuent à la prise de conscience de ce fait par les étudiants. Les thèmes les plus proches du travail en partenariat incluent le cryptage et le décryptage, le chiffrement et la crypto-analyse, les programmes de contrôle et le point de vue du robot dans une commande de robot ou encore les architectures client-serveur.

Solution : les travaux en partenariat et la méthode du puzzle sont des formes de travail en groupe particulièrement bien adaptées à l'enseignement de l'informatique. Des travaux en partenariat de courte durée peuvent montrer les différentes opinions sur un sujet. La méthode du puzzle est recommandée pour les thèmes aux aspects très détaillés  ; elle prépare les élèves à leur adaptation autonome à de nouveaux sujets dans leur future vie professionnelle.

Exemple 1 : le puzzle pour la procédure de tri

Il existe plusieurs procédures de tri, chacune adaptée à un problème différent, mais le temps manque dans l'enseignement de l'informatique pour traiter en détails tous les algorithmes de tri importants et les mettre en œuvre dans un programme. Le traitement en groupe des différentes procédures selon la méthode du puzzle semble justement s'imposer ici.

Nous allons présenter ci-après un exemple concis de l'aspect que pourraient prendre les documents relatifs à une procédure de tri pour un groupe d'experts. Le puzzle a été compilé par Rolf Grun. Les textes s'adressent à des élèves.

Introduction

Dans notre vie quotidienne, nous voulons toujours que les informations soient triées : annuaires téléphoniques, emplois du temps, classements, carnets d'adresses, pour ne citer que quelques exemples. Le tri de ces données s'effectue principalement à l'aide d'ordinateurs, ce qui est parfaitement justifié car le tri, bien que simple, reste un travail de longue haleine. Il existe différents modes de tri et, au cours des deux prochaines heures, vous allez découvrir quatre méthodes de tri différentes. Vous apprendrez à connaître l'une d'entre elles et l'enseignerez ensuite à vos camarades de classe. Ceux-ci, à leur tour, vous présenteront les trois autres. A l'issue des deux heures, vous aurez compris les quatre méthodes et serez capables de les programmer.

Instructions de travail

Vous pouvez apercevoir sur la fiche de travail une série de cartes à jouer qui seront triées d'après une méthode donnée. Au début, les cartes sont disposées au hasard et à la fin elles sont triées dans un ordre croissant. Si vous ne connaissez pas les cartes, regardez la dernière ligne. Elles y sont triées d'après leur valeur : la plus petite tout à gauche et la plus grande au bout à droite. Essayez de trouver la règle de tri des cartes. Appliquez ensuite cette règle aux cartes que vous avez reçues.

Après avoir trouvé ces règles, appliquez-les pour résoudre les problèmes suivants :

  1. triez la série de chiffres 8, 3, 1, 7, 2 d'après vos règles et écrivez la nouvelle série après chaque étape.

  2. utilisez vos propres mots pour formuler l'opération de tri. Pendant la séance éducative, votre formulation servira à expliquer la méthode à vos camarades.

Conseil : procédez de bas en haut et marquez ce qui est déjà trié. À mesure que vous progressez de haut en bas, la partie triée devient de plus en plus importante.

Il existe pour chaque méthode de tri une fiche de réponse qui doit permettre aux experts, au cours de leur séance, de vérifier s'ils ont tout bien compris. Les solutions présentées doivent être concises et ne pas anticiper une contribution de la part des élèves.

L'enseignement d'après la méthode du puzzle ne doit pas s'encombrer de trop de papiers. La possibilité d'explorer soi-même les faits à l'aide de cartes à jouer pour ensuite transmettre les connaissances acquises à ses camarades de classe rend ce cours intéressant. Chaque groupe d'experts pourra ensuite mettre en œuvre la méthode de tri apprise sous la forme d'un programme et les experts pourront alors à leur tour expliquer leur code de programme à leurs camarades de classe en appliquant la méthode du puzzle.

Fig. 14.2. Fiche de travail pour le tri par insertion (Insertion Sort)

Fig. 14.2. Fiche de travail pour le tri par insertion (Insertion Sort)

Exemple 2 : le puzzle pour le paramétrage d'un navigateur

Différents paramètres tels que la mémoire cache, le serveur proxy, l'historique, les cookies, etc. doivent être abordés au cours d'une formation sur les applications Internet. Si le formateur présente lui-même les détails, les stagiaires risquent de ne pas en retenir beaucoup. La méthode du puzzle convient parfaitement à la présentation des paramètres d'un navigateur, car il n'est pas indispensable que tous les stagiaires aient la même compréhension de chacun des détails.

Une forme ouverte de la méthode du puzzle est même possible avec ce thème : le formateur ne remet pas le matériel complet à tous les groupes d'experts, mais se contente de donner des indications sur la documentation appropriée. Chaque groupe d'experts doit recueillir lui-même des informations de fond sur son sujet et déterminer dans quelle partie du navigateur doivent intervenir les paramètres correspondants. Cette forme ouverte d'un puzzle communique aux stagiaires les compétences méthodologiques nécessaires pour pouvoir procéder en toute autonomie à des clarifications similaires avec d'autres programmes d'application.

Exemple 3 : travail en partenariat sur des données et des formules dans une feuille de calcul

Les travaux en partenariat contribuent à une grande diversité dans l'enseignement des tableurs : la stagiaire A. reçoit une feuille de calcul contenant certains chiffres, c'est-à-dire la vue des microdonnées de la feuille. Le stagiaire B. reçoit la même feuille de calcul, mais avec des formules de calcul, c'est-à-dire la vue des macrodonnées de la feuille. A. et B. ne voient que leurs propres informations (Fig. 14.3). B. donne maintenant des instructions de calcul à A. conformément aux indications dans la feuille de calcul, puis A. effectue les calculs et reporte les résultats sur la feuille.

Un tel travail en partenariat permet notamment d'établir une bonne compréhension des références de cellule absolues et relatives. Les références de cellule sont un sujet difficile pour beaucoup d'élèves. B. doit formuler les règles de calcul en langage courant. Exemple : « ajoute 1 à la valeur de la cellule B1 et multiplie le résultat par le contenu de la cellule C5. Additionne ensuite le contenu de la cellule B3 au résultat, puis note ce que tu obtiens dans la colonne C, dans la cellule après le chiffre précédent. Répète la même opération avec ce nouveau chiffre. »

Fig. 14.3. Les deux vues lors des calculs dans une feuille de calcul

Fig. 14.3. Les deux vues lors des calculs dans une feuille de calcul

Le travail en partenariat permet, en procédant de manière analogue, de donner un aperçu de la différence entre les indications absolues et relatives d'un emplacement dans les programmes de dessin, du filtrage ou du tri des données dans un tableur ou encore des requêtes de base de données simples.

Exemple 4 : travail en partenariat sur un robot programmable

Des robots réels ou virtuels sont souvent utilisés pour illustrer les cours de programmation. L'interaction du programme et du robot peut être simulée par un travail en partenariat : deux élèves sont assis dos à dos, l'un joue le rôle du robot, l'autre celui du programme. Le programme doit commander le robot pour qu'il accomplisse une tâche prédéfinie. L'important ici est que le programme ne puisse pas voir le monde du robot. Ce qu'il veut connaître de ce monde, il doit l'apprendre à partir des valeurs qui lui sont communiquées par les capteurs du robot. Ce dernier exécute des instructions. Les deux élèves réfléchissent continuellement : celui qui joue le rôle du programme cherche à savoir quel plan est suivi par le robot et l'élève qui est le robot essaie de comprendre comment pourrait être structuré le programme. Une fois l'exercice terminé, les deux partenaires peuvent échanger leurs rôles.

Fig. 14.4. Travail en partenariat pour la commande d'un robot

Fig. 14.4. Travail en partenariat pour la commande d'un robot