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Apprentissage par la découverte

L'enseignant en informatique S. raconte à ses collègues qu'elle voulait faire découvrir à ses étudiants l'étude d'un projet dans une infrastructure d'application Web. Elle poursuit, non sans une certaine frustration, en affirmant qu'ils avaient même du mal à se familiariser avec l'infrastructure elle-même : « j'ai cru que les étudiants pourraient s'en sortir par eux-mêmes à l'aide de deux manuels et des nombreux matériels disponibles sur Internet. Même si nous avons finalement utilisé pendant le cours une infrastructure semblable à l'idée de départ, ils l'ont jugée très difficile à comprendre ! Les aspects à prendre en considération sont en fait beaucoup trop nombreux pour qu'ils puissent les étudier chacun en détail, ils se voient donc contraints de se concentrer sur l'essentiel. Il s'agit là d'un vrai problème. J'étais persuadée qu'ils en seraient capables après mon cours ! »


Problème : l'enseignement de l'informatique se caractérise souvent par la transmission d'une théorie suivie d'exercices pratiques. Des aspects importants tels que le travail autonome, la créativité et la réflexion critique sont peu pris en compte ici. L'aptitude à savoir découvrir soi-même de nouveaux thèmes joue cependant un rôle essentiel dans le quotidien professionnel.

Le caractère abstrait de l'informatique constitue un défi particulier pour l'enseignement : les élèves doivent faire preuve d'une certaine capacité d'abstraction, en particulier l'aptitude à observer les choses simultanément sur différents niveaux d'abstraction. Une autre difficulté réside dans le fait qu'il existe de nombreux aspects que les élèves ne peuvent pas découvrir par eux-mêmes. Exemples : les algorithmes sur des thèmes tels que le tri efficace (avec Quicksort ou Heapsort), les procédures de chiffrement (par exemple RSA) ou les procédures d'échange sécurisé de clés sur des canaux non sécurisés (Diffie-Hellman). L'enseignement de l'informatique se caractérise ainsi souvent par la transmission d'une théorie suivie d'exercices pratiques.

La situation décrite dans l'enseignement est en totale contradiction avec le quotidien des informaticiens qui inclut la découverte en toute autonomie de nouveaux contenus. Il faut donc encourager cette compétence méthodologique dès la formation. [Seymour Papert note avec pertinence : « you can't teach people everything they need to know. The best you can do is position them where they can find what they need to know when they need to know it. » ] (Vous ne pouvez pas enseigner aux gens tout ce qu'ils ont besoin de savoir. La meilleure chose à faire consiste à les amener dans une position depuis laquelle ils pourront découvrir ce qu'ils ont besoin de savoir au moment où ils auront besoin de le savoir.)

Les situations d'enseignement ouvertes permettent aux élèves de développer activement par eux-mêmes de nouveaux contenus. L'apprentissage par la découverte est une méthode d'enseignement appropriée. Il encourage la créativité, l'autonomie, la pensée critique et l'échange mutuel. L'apprentissage par la découverte autorise un haut niveau de personnalisation, ce qui permet à l'enseignant de mieux répondre aux besoins individuels des élèves.

L'idée fondamentale de l'apprentissage par la découverte est la suivante : les étudiants acquièrent de nouvelles connaissances en faisant des expériences personnelles et en remettant les choses en question. Ils développent leurs propres théories (parfois naïves) par l'étonnement, l'émerveillement et le doute  ; ils se voient ainsi parfois contraints d'abandonner de vieilles idées et de rejeter des hypothèses précédemment établies. Pour un apprentissage réussi, il est souvent plus efficace de laisser les élèves produire activement leurs propres explications des phénomènes observés plutôt que de leur présenter des formules mnémotechniques ou des théories qu'ils devront apprendre par cœur.

L'apprentissage par la découverte nécessite du temps et de l'espace libre. Il n'existe à priori rien de vrai ou de faux dans la recherche du nouveau, le plus important est que toutes les connaissances soient retenues et organisées. La documentation et la présentation des résultats aident à organiser ses réflexions et sont un moyen important de développement et d'observation critique de ses propres idées.

Choix du thème et préparation à l'apprentissage par la découverte

La réussite de l'apprentissage par la découverte dépend du thème choisi et de la présentation des tâches. La sélection d'un contenu approprié relève de la responsabilité de l'enseignant, tout comme l'élaboration des instructions relatives à l'apprentissage par la découverte. Il existe trois impératifs essentiels (basés sur [FFE04]) :

ouverture du thème
Le domaine doit posséder une certaine ouverture. Apprentissage par la découverte, cela veut dire aller à la découverte explorative d'un sujet, poser des hypothèses, les vérifier et les échanger avec d'autres élèves. La résolution d'une tâche prédéfinie n'est pas de l'apprentissage par la découverte. L'objet de l'enseignement doit comporter de multiples facettes, inclure différents aspects et doit pouvoir être découvert en suivant différentes voies. La norme de virgule flottante IEEE 754 ou l'algorithme de tri Quicksort, par exemple, ne sont pas des sujets à découvrir. Les étudiants peuvent toutefois se faire une idée de la manière de représenter des nombres à virgule flottante dans le système binaire ou imaginer leur propre méthode de tri. L'ouverture d'une tâche peut essentiellement se présenter sous deux formes : la forme la plus simple où il existe plusieurs solutions possibles pour un problème et la forme la plus ouverte où les étudiants définissent eux-mêmes l'aspect à explorer d'un sujet.

matériel complet
Le matériel nécessaire est mis à disposition par l'enseignant et préparé afin que tous les étudiants puissent comprendre et traiter l'information. Aucune assistance par l'enseignant d'informatique ne devrait être nécessaire ici. L'apprentissage par la découverte consiste à développer des choses nouvelles en toute autonomie en se basant sur le matériel fourni et les connaissances propres. L'objectif est de développer des idées propres et non de filtrer et de structurer certaines informations, par exemple la syntaxe correcte d'une instruction complexe dans un langage de programmation donné à partir d'un précis en dix volumes. Cette collecte autonome d'informations peut très bien constituer un objectif en soi, mais elle déborde très vite des limites de la salle de cours et devrait avoir lieu dans un cadre temporel plus vaste.

tâche et évaluation
Dans l'apprentissage par la découverte, les tâches à explorer doivent être conçues afin d'autoriser des solutions, des approches et des perspectives différentes. Tout comme le thème, elles doivent offrir une certaine ouverture pour que les étudiants disposent de la liberté nécessaire pour faire leurs propres découvertes. Il est important dans l'évaluation des contributions que toutes les propositions et idées soient prises au sérieux. L'enseignant ne doit pas intervenir immédiatement en présence de solutions incomplètes, un certain degré de « laisser faire » est nécessaire.

Solution : l'aptitude au travail autonome peut être stimulée volontairement dans l'enseignement par l'utilisation de différentes méthodes pédagogiques. L'apprentissage par la découverte est l'une de ces méthodes et contribue à une personnalisation de l'enseignement.

Exemple 1 : conception de sites Web destinés aux malvoyants

Comment une personne aveugle « voit-elle » un site Web ? À quoi faut-il être attentif en créant des sites Web adaptés aux malvoyants ? Les aveugles et les malvoyants peuvent-ils réellement faire usage de la multitude d'informations disponibles sur Internet ou sont-ils désavantagés ? De quelles aides techniques disposent actuellement les aveugles ? Quel est leur rôle dans la société d'information ? Tant de questions qui surgissent dès que l'on endosse soi-même le rôle d'un aveugle en se bandant les yeux et en essayant de naviguer sur la toile avec un programme de lecture de pages Web approprié. Cette méthode peut être appliquée dans une formation sur la publication de sites Web, par exemple.

Ce thème présente l'ouverture requise, car il est possible d'y découvrir un éventail d'aspects très large [Swi]. Il y a ainsi des aspects pratiques tels que « Il n'est pas possible de faire lire à haute voix une page d'accueil sans texte » (Fig. 16.1), par exemple, mais des détails techniques tels que les problèmes posés par les animations Flash ou les cadres peuvent eux aussi s'avérer intéressants. Les élèves établiront-ils peut-être la maxime de la conception selon laquelle un site Web ne peut être considéré comme un site Web de qualité que lorsqu'il est également accessible aux aveugles et aux malvoyants. Ou alors ils jetteront un pont vers les moteurs de recherche qui, eux aussi, « voient » les sites comme des aveugles. Des connaissances importantes pour l'optimisation des sites Web pour les moteurs de recherches pourront être dérivées de ces travaux. Toutefois, ce thème peut également être considéré dans un contexte social plus large : la loi oblige les sites des institutions gouvernementales à être accessibles aux personnes souffrant d'une déficience visuelle. Ces directives sont-elles respectées ? Ppeuvent-elles réellement être mises en application ?

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Fig. 16.1. Que doit lire à haute voix un programme de lecture de page Web ?

Exemple 2 : un tour de cartes pour l'étude des mathématiques discrètes

De nombreux tours de cartes sont basés sur des faits mathématiques utilisés astucieusement, principalement dans le domaine du calcul stochastique ou des mathématiques discrètes. Qu'en serait-il d'une analyse mathématique approfondie qui se baserait sur des tours de cartes ? Une approche systématique nous permettrait-elle de trouver le « truc » des tours de cartes les plus fascinants ? Le tour de cartes marche-t-il à tous les coups ou seulement de manière aléatoire dans de nombreux cas ? Pouvons-nous modifier ou étendre le tour de cartes ou trouver nous-mêmes de nouveaux tours ?

Les étudiants se familiarisent avec les mathématiques discrètes à l'aide d'un tour de cartes : l'enseignant commence par montrer un tour avec une élève qui y a préalablement été initiée. Les autres élèves spéculent alors sur le fonctionnement du tour et consignent leurs hypothèses par écrit. Ils peuvent jouer les rôles du magicien et de son assistant à l'aide d'une simulation sur ordinateur et, par des configurations de cartes qu'ils auront eux-mêmes définies, tenter de découvrir le « truc » du tour. Après cette phase de découverte initiale, tous les élèves reçoivent des instructions sur le tour de cartes, s'entraînent à le réaliser à l'aide d'une simulation sur ordinateur et peuvent ensuite vérifier leurs hypothèses au moyen de leurs propres configurations de cartes. Plusieurs suites sont ensuite possibles : pourquoi le tour fonctionne-il ? Fonctionnerait-il aussi avec un nombre de cartes plus grand ou plus petit ? Les spectateurs peuvent-ils choisir six cartes au lieu de cinq ?

Cet exemple part d'un problème clairement défini : les élèves doivent tout d'abord s'intéresser au tour de cartes proprement dit et au moins en comprendre le fonctionnement. Différents scénarios sont cependant possibles pour la suite : on peut essayer d'analyser précisément le contexte mathématique du tour ou même apporter une preuve qu'il fonctionne toujours. Différentes variantes du tour peuvent être élaborées et le tour présenté peut être utilisé pour mener une réflexion plus large sur ce qui fait qu'un tour de carte est attrayant et réussi. Le plus important est qu'aucune limite ne soit fixée à la créativité et à l'imagination dans la recherche de connaissances propres.

Fig. 16.2. Vue de l'écran de CardGame

Fig. 16.2 Vue de l'écran de CardGame

Le programme CardGame est utilisé pour analyser le tour de cartes (Fig. 16.2; [Swi]). Dans ce programme, les élèves peuvent jouer le rôle du magicien ou de son assistant. Les cartes sont choisies au hasard au début d'une partie, chaque carte pouvant être remplacée en particulier. Les élèves peuvent ainsi découvrir comment les cartes doivent être choisies pour le codage et la façon dont elles doivent être interprétées pour le décodage.

Exemple 3 : découverte des algorithmes de la théorie des graphes

Cet exemple est destiné aux lycées et aux instituts universitaires de technologie où sont enseignés des thèmes choisis de l'informatique théorique. Les étudiants découvrent des problèmes NP-complets et des algorithmes de solution à l'aide du logiciel [Swi] : en fonction de leurs intérêts, ils examinent les aspects de la durée, les cas extrêmes, l'exactitude, les applications dans le monde réel ou élaborent même leurs propres algorithmes. Les problèmes posés sont issus de la théorie des graphes : aptitude du graphe à la colorisation, couverture de sommet, clique, voyageur de commerce, aptitude à satisfaire des fonctions logiques et problèmes similaires.

L'enseignement de l'informatique présente ici généralement les algorithmes et, au niveau universitaire, traite en plus de la réduction d'autres problèmes NP-complets à ce problème. Avec cette approche, les étudiants doivent tout d'abord comprendre les problèmes tels qu'ils sont posés, par exemple la définition d'une couverture de sommet dans un graphe. En l'absence d'une compréhension intuitive du problème, il arrive très fréquemment que les algorithmes de résolution possibles demeurent dans le domaine du nébuleux et la réduction d'un problème à un autre devient une affaire purement formelle, sans révélations profondes.

L'environnement d'apprentissage GraphBench permet aux étudiants d'explorer toutes les instances d'un problème et d'arriver ainsi à une perception intuitive de la nature des problèmes. Ils peuvent ensuite découvrir différents algorithmes de résolution en observant la séquence animée. GraphBench permet en outre de suivre en temps réel la réduction d'un problème à un autre. Une modification de la configuration du graphe avec le problème de la couverture de sommet peut être observée parallèlement dans l'instance de problème correspondant d'un circuit hamiltonien. Les réductions abstraites deviennent ainsi nettement plus tangibles.

Un environnement d'apprentissage tel que GraphBench permet de multiples découvertes et l'orientation volontaire par l'enseignant dans une direction donnée dépendra des objectifs et des connaissances préalables. Chaque élève ne doit-il étudier qu'un seul problème ou l'ensemble de la classe doit-elle apprendre à connaître toute une série de problèmes NP-complets ? Faut-il mettre en avant les aspects algorithmiques ou plutôt traiter des réductions ? Ou faut-il plutôt aborder les questions de la calculabilité ? Les élèves peuvent approfondir certaines questions, par exemple : Comment fonctionnent les algorithmes ? Puis-je trouver moi-même un algorithme qui résout le problème ? Combien d'étapes sont-elles nécessaires dans l'algorithme jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée ? Quel est l'algorithme le plus rapide ? Existe-t-il des applications pratiques de ce problème ? Existe-t-il des limites dans l'utilisation pratique des algorithmes de résolution ?

Le logiciel GraphBench est un outil permettant aux élèves d'explorer les différents problèmes de graphe, de générer des instances de problème mais aussi d'observer les algorithmes de résolution et les réductions de problèmes animés. GraphBench contient en outre un environnement de programmation pour la mise en œuvre de leurs propres algorithmes de résolution.

Fig. 16.3.** Vue de l'écran de GraphBench : problème d'aptitude à la colorisation des graphe

Fig. 16.3 Vue de l'écran de GraphBench : problème d'aptitude à la colorisation des graphes