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[00:00:01] Suite et fin, ou aussi notre dernier épisode arrivé : nous avons discuté préalablement de la filiation de l'informatique, de ses capacités de rétroaction face aux disciplines mères, de ses capacités de fécondation croisée avec les autres disciplines qui l'entourent, des domaines qu'elle est capable de couvrir et qu'elle a intégré, vers lesquels elle s'est étendue, de son identité propre, différenciée, singulière. Maintenant, il est temps d'aborder un point qui peut être très prospectif, qui est celui des évolutions. L'informatique est très dépendante, bien entendu, puisque c'est un de ses parents, de la nature même de son substrat, du processeur et du type de discipline scientifique qui a produit ce processeur. Donc, si on partait de l'électronique numérique, d'un univers discret, incarné par N l'ensemble des entiers naturels. Entre chaque nombre, il existe un grand hiatus et rien. Un abîme entre 1 et 2. Le vide sidéral. C'est exactement ce que représente une approche discrète du monde et que l'on va retrouver dans des ordinateurs et leur structuration électronique. Si on migre plus tôt ou vers des ordinateurs quantiques, ou bien des ordinateurs à base d'ADN, ou d'autres, on va changer la filiation de l'informatique. Un de ses parents ne va plus être le même. Si on va vers des ordinateurs quantiques, ça va être les paradigmes de la physique quantique. L'univers dans lequel elle vit. Si on va vers des ordinateurs à base d'ADN, ça va être des paradigmes de la génétique et donc de la biologie. Donc, de ce fait là, quels sont les impacts possibles de l'évolution du processeur sur les fondamentaux de l'informatique? C'est un point.

[00:02:40] La , le deuxième point est celui de l'évolution de la technologie versus la démarche conceptuelle, donc de ce fait là, il va y avoir modification des paradigmes. Va t-on passer depuis une approche discrète du monde avec une discrétisation des problèmes vers quelque chose qui sera beaucoup plus relevant d'un univers plus continu, plus flou ? Passera t-on plutôt vers une modélisation des problèmes et des concepts à base de fonctions d'ondes ou de probabilités de présence? Plutôt que de se fonder sur l'algèbre booléenne, par exemple, qui est nécessaire pour réaliser des transistors qui sont à la base des puces d'ordinateur. Est ce qu'on va passer du certain, des graphes à topologie discrète, de l'algèbre, de la logique, vers l'incertain, c'est à dire une topologie algébrique, de l'analyse, de la logique floue ? Donc, un univers plus statistique en quelque sorte. Plus analytique également, beaucoup moins posé. Là encore, ce sont des changements paradigmatiques extrêmement importants parce que les modèles de calcul vont changer. Mais est ce que les langages de programmation qui sont fondés sur ces modèles de calcul vont aussi changer? Est ce que l'approche que l'on a des problèmes et de leur modélisation et des algorithmes en général va aussi changer? Comment vont se passer les relations avec les autres disciplines? Est ce qu'on va passer nombre de ces niveaux de description dans l'univers discret, qui sont des niveaux de description supérieurs vers des niveaux plus proches, en quelque sorte du niveau infra matériel, donc des niveaux inférieurs ?

[00:04:51] Là encore, ce sont des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre du tout, mais qui peuvent complètement remettre en cause tous les paradigmes aujourd'hui valables en informatique. Un autre élément qui peut être très important à voir c'est ce qui concerne le statut de science et d'identité scientifique. Qu'est ce qui fait du coup que l'informatique restera une science? Est ce que c'est quelque chose qui a été dépendant de ses parents actuels, qui sont les mathématiques et l'électronique numérique, et si on change de filiation, c'est ça, ce n'est plus l'électronique numérique mais ça devient autre chose si ce ne sont plus les mathématiques, ça devient par exemple la physique. Qu'est ce qui peut se passer? Alors, restera t elle une science ou sera t elle simplement une technologie? Y aura t il toujours des modèles partagés, partageables, des rétroactions possibles? Que va-t'il se passer? Et qu'est ce qui permettra de la reconnaître surtout comme étant une discipline, comme étant de l'informatique? À quel moment on va pouvoir dire là, je fais de l'informatique? Et là, je n'en fais pas là, je construis quelque chose ou là, je fais de la physique, ou là, je fais de la biologie ou je fais n'importe quoi où je fais quelque chose qui n'a rien à voir. Donc, ça pose la question fondamentale de quels sont les invariants de l'informatique, qu'est ce qui fait que même si on change de parent, même si on change de relations avec les autres, même si on change de composants, même si on change beaucoup de choses, il reste des invariants qui font

[00:06:57] que la discipline reste une discipline. Alors, dans ce cadre là, j'aurai à vous proposer encore une fois des critères de nos variations, mais c'est une proposition là encore relativement discutable. Comme beaucoup de choses. Ce qui me semble à moi relever de l'invariance, c'est l'idée qu'un problème, quand il vient d'une autre discipline et que l'informatique s'en empare, il existe une externalisation de ce problème, ou de sa ou ses solutions quand elles existent, du fait qu'elles sont transposées vers un autre processeur, quel que soit le modèle que l'on va utiliser, quelle que soit son origine, quel que le soit le paradigme qui est fondamental pour lui. C'est le transfert vers l'extérieur, vers quelque chose qui est autre et différent, qui va faire peut être une certaine invariance dans l'idée de ce que fait pour l'instant l'informatique. De ce fait là, la maintenance de la dualité processorielle , c'est à dire de l'existence de deux processeurs qui ne se ressemblent pas , d'un côté un humain et de l'autre côté, quelque chose qui a été fabriqué par l'humain, c'est à dire une machine, et où il y a une collaboration entre les deux pour la résolution des problèmes en question. Cette collaboration se réalisant avec le langage que l'on aura à définir ou de la manière que l'on aura à définir. Là encore, ça fait partie, de mon point de vue, des invariants de l'informatique. Troisième critère d’invariance qui me paraît important, c'est que l'être humain est capable de traiter des problèmes très, très complexes.

[00:09:10] Néanmoins, face au volume, il se trouve relativement limité. Pourquoi? Parce que c'est une question de fatigabilité, qui existe dans l'esprit humain, qui fait que la répétition ad libitum sur de grands volumes de données ou de traitement est quelque chose qui provoque une incapacité à résoudre les problèmes et qui, et qui mène vers l'abandon. Donc, à partir du moment où on va donner à cette discipline qui est l'informatique, la capacité de non seulement externaliser les problèmes, mais de se préoccuper des volumes de données et de traitements à réaliser sur ces problèmes, de les gérer et de les optimiser, de faire en sorte que la notion d'efficacité et de qualité soit au rendez vous, là, on se retrouve dans la spécificité et la particularité de la science informatique. C'est ce qu'elle apporte au monde de manière invariante et c'est ce qui fait ce qu'elle est. Donc. Parlons d'efficacité. Je voudrais dire qu'il s'agit aussi non seulement de la qualité, mais aussi de la couverture, c'est à dire qu'au delà de l'optimisation de gain de temps, de gain de mémoire, de gain de place, de tentatives de traiter plus de données, plus de réaliser plus de traitements en un temps donné. Jusqu'à quel point la modélisation couvre le problème donné jusqu'à quel point elle épouse ses contours et jusqu'à quel point la solution est une solution innovante, intéressante et qui n'aurait pas pu être réalisée par un être humain à lui tout seul. Pour vous donner le mot de la fin parce qu'il faut bien une fin.

[00:11:23] Je voudrais dire que l'informatique n’est pas une discipline de la matière vu qu' elle ne s'intéresse pas à décrire et à modéliser ce qui se passe dans la nature. Néanmoins, si la matière n'existait pas, il n'y aurait pas d'informatique puisqu'il n'y aurait pas de processeurs. Il n'y aurait pas non plus d'esprits humains. Donc, elle repose sur elle. Ce n'est pas non plus une discipline du vivant, puisqu'elle n'a pas pour objectif de regarder le fonctionnement de la vie, mais elle traite en permanence avec le vivant puisqu'elle tente de modéliser des problèmes qui sont afférents au vivant et elle permet la médiation entre le vivant, l'être humain et les machines qui, pour l'instant, ne relèvent pas de la définition du vivant. Peut être que dans le futur, on les inclura dans le vivant, mais pour l'instant, ce n'est pas encore le cas. Ce n'est pas non plus une discipline de l'artefact. C'est à dire qu'elle n'a pas pour objectif de construire des objets factices ou non factices, mais artefacts usuels, c'est-à-dire qui ont une fonction à remplir en tant qu' objet construit. Cependant, elle apparaît comme telle. En fait, ce n'est pas non plus complètement une discipline de l'esprit, puisqu'elle a une partie matérialisée. Néanmoins, elle en découle nécessairement puisqu'il faut qu'elle interagisse avec l'esprit et qu'elle résolve les problèmes qui sont ceux des humains. C'est une de ces disciplines qui doivent tout à l'homme et qui, probablement, n'arrêteront pas de le transformer. Et je vous remercie.